Votation populaire du 30.11.2025 - L’initiative populaire de la Jeunesse socialiste suisse « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement (initiative pour l’avenir) » porte sur la création d’un impôt fédéral de 50 % sur les successions et les donations, après déduction d’une franchise unique de 50 millions de francs. Ainsi, si une personne hérite par exemple de 200 millions de francs, les 50 premiers millions seront exonérés de l’impôt, tandis que les 150 millions restants seront soumis à un taux d’imposition de 50 %. Le montant de l’impôt dû s’établira donc à 75 millions de francs.
L’essentiel en bref
À l’heure actuelle, 24 cantons perçoivent un impôt sur les successions, et 23 d’entre eux imposent également les donations (le canton de Lucerne n’a pas d’impôt sur les donations, et ceux d’Obwald et de Schwyz n’imposent ni les successions ni les donations). Les époux et les descendants directs sont généralement exonérés de l’impôt ou bénéficient d’un allégement fiscal. Il n’existe pas d’impôt sur les successions et les donations à l’échelon fédéral.
L’initiative porte sur la mise en place d’un impôt fédéral sur les successions et les donations. Le comité d’initiative estime que cet impôt générerait en moyenne 6 milliards de recettes par an. Les estimations de la Confédération sont, quant à elles, nettement plus modestes et montrent que l’initiative pourrait induire un manque à gagner pour les trois échelons de l’État. Il est en effet probable que les contribuables potentiellement concernés décident de quitter la Suisse ou de ne pas s’y installer, ce qui ferait également diminuer le produit des impôts existants sur le revenu et sur la fortune.
Conférence de presse
Contexte
La Suisse entend éliminer ses émissions de gaz à effet de serre et atteindre ainsi la neutralité climatique d’ici à 2050. La Confédération dispose d’un budget supérieur à 2 milliards de francs par an pour financer des mesures d’encouragement ciblées dans ce domaine. Selon les auteurs de l’initiative, la politique climatique actuelle n’est toutefois pas assez ambitieuse. Ils demandent ainsi la création d’un impôt de 50 % sur les successions et les donations de plus de 50 millions de francs afin que davantage de ressources budgétaires puissent être affectées à la protection du climat. On estime qu’environ 2500 ménages disposent d’une fortune supérieure à 50 millions de francs en Suisse.
Principales mesures
La création d’un impôt fédéral sur les successions et les donations nécessite une modification de la Constitution. L’initiative prévoit les dispositions suivantes :
Le nouvel impôt fédéral s’ajoutera aux impôts sur les successions et les donations déjà en place dans la plupart des cantons. Les cantons resteront compétents pour la perception de ces derniers.
Le nouvel impôt fédéral sera perçu sur la somme de la succession et de toutes les donations, après déduction d’une franchise unique de 50 millions de francs. Cette franchise sera régulièrement adaptée au renchérissement.
Le taux d’imposition sera de 50 %.
Le produit de l’impôt reviendra pour deux tiers à la Confédération et pour un tiers aux cantons, et devra servir à « lutter contre la crise climatique de manière socialement juste et permettre la transformation de l’ensemble de l’économie nécessaire à cet objectif ».
La Confédération édictera des dispositions d’exécution sur la prévention de l’évitement fiscal, en particulier en ce qui concerne les départs de Suisse, l’obligation d’enregistrer les donations et l’exhaustivité de l’imposition.
Le nouvel impôt fédéral s’appliquera aux successions et aux donations effectuées à partir de l’acceptation de l’initiative, même si les dispositions de mise en œuvre entrent en vigueur à une date ultérieure.
L’initiative pourrait, en fin de compte, faire baisser les recettes fiscales
Un impôt de 50 % sur les successions et les donations qui dépassent 50 millions de francs réduirait l’attrait de la Suisse comme lieu de domicile pour les personnes fortunées. Or il s’agit des personnes qui, compte tenu de la progressivité des impôts sur le revenu et sur la fortune, contribuent déjà dans une large mesure aux recettes de la Confédération, des cantons et des communes, et donc aussi à la politique climatique.
L’impôt proposé influerait considérablement sur le comportement de ces contribuables. C’est en tout cas la conclusion de l’analyse que le professeur Marius Brülhart de l’Université de Lausanne a réalisée à la demande de l’Administration fédérale des contributions (AFC). Selon le professeur Brülhart, la Suisse pourrait perdre entre 77 et 93 % du substrat fiscal potentiel, une fois prises en compte les modifications de comportement. Les estimations de l’AFC fondées sur cette analyse et des données supplémentaires des cantons indiquent même que les pertes de substrat fiscal pourraient se situer dans une fourchette allant de 85 à 98 %. L’impôt fédéral sur les successions et les donations ne rapporterait donc plus qu’un montant oscillant entre 100 et 1,1 million de francs environ. En outre, ces nouvelles recettes seraient contrebalancées par un important manque à gagner au niveau des impôts actuels sur le revenu et sur la fortune. La mise en œuvre de l’initiative pourrait en fin de compte faire baisser les recettes fiscales de la Confédération et des cantons, d’autant que des personnes actuellement domiciliées à l’étranger pourraient renoncer à s’installer en Suisse en raison de la réforme. L’AFC estime que les pertes de recettes pourraient varier entre 200 millions et 3,6 milliards de francs. À noter toutefois que cette estimation reste entourée d’incertitudes, malgré l’amélioration des données disponibles.
Le manque à gagner lié à la baisse des recettes provenant des impôts sur le revenu et sur la fortune concernerait, pour l’essentiel, les cantons et les communes et, dans une moindre mesure, la Confédération. La création d’un impôt fédéral sur les successions et les donations réduirait en outre la marge de manœuvre des cantons pour la fiscalisation de ces opérations. Enfin, les cantons percevraient une partie du produit du nouvel impôt, mais ils ne seraient pas libres d’en disposer, car l’initiative prescrit l’affectation des recettes à la politique climatique.
Début de l’imposition et mesures contre l’évitement fiscal
Les auteurs de l’initiative demandent que les successions et donations soient imposées dès l’acceptation du texte mis en votation. Ainsi, la succession d’une personne décédée le jour de l’acceptation de l’initiative serait soumise au nouvel impôt fédéral. Les dispositions relatives à la prévention de l’évitement fiscal ne pourraient toutefois être appliquées qu’à partir de leur entrée en vigueur (et n’auraient donc pas d’effet rétroactif). Il reste par ailleurs à déterminer quelles mesures contre l’évitement fiscal pourraient être prises et appliquées à l’échelle internationale. Pour des raisons constitutionnelles, le Conseil fédéral est défavorable à la perception d’un impôt sur la fortune des personnes quittant la Suisse. Il estime qu’il s’agirait d’une atteinte disproportionnée à la liberté personnelle et à la liberté d’établissement, étant donné qu’un départ peut être motivé par des raisons autres que la volonté d’éviter l’impôt.
La Suisse poursuit déjà une politique volontaire en faveur du climat
Le Conseil fédéral partage l’objectif premier de l’initiative, à savoir la protection du climat. La Confédération poursuit déjà une politique volontaire en la matière. En adoptant la loi sur le climat et l’innovation, la loi sur le CO2 et la loi sur l’approvisionnement en électricité, elle s’est dotée des instruments juridiques nécessaires pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Elle dispose ainsi d’un budget supérieur à 2 milliards de francs par an pour la protection du climat et la transition énergétique.
Le mode de financement proposé par les auteurs de l’initiative n’inciterait guère les contribuables concernés à adopter un comportement ménageant l’environnement, car ils devraient s’acquitter de ce nouvel impôt indépendamment de leur empreinte carbone. Le projet pourrait même être contre-productif. Si l’initiative atteignait son objectif budgétaire, les recettes du nouvel impôt fédéral sur les successions et les donations devraient être utilisées exclusivement aux fins de la lutte contre le changement climatique, peu importent les besoins réels. L’État risquerait ainsi d’engager des dépenses inefficaces et inutiles, et il faudrait s’attendre à des effets d’aubaine.
Précédente votation sur un impôt national sur les successions
La votation la plus récente sur la création d’un impôt national sur les successions date de 2015. Les auteurs de l’initiative « Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (réforme de la fiscalité successorale) » demandaient la perception d’un impôt fédéral de 20 % sur les successions et les donations dépassant 2 millions de francs. Ils prévoyaient des exonérations et des allégements fiscaux à certaines conditions. Deux tiers du produit de l’impôt auraient été versés à l’AVS, et un tiers aux cantons. Contrairement à l’initiative pour l’avenir, la réforme de la fiscalité successorale visait à supprimer les impôts cantonaux sur les successions et les donations. Le projet a été rejeté par le peuple et les cantons le 14 juin 2015 à 71,7 % des voix.
L’initiative de la Jeunesse socialiste suisse demande l’introduction d’un impôt fédéral de 50 % sur les successions et les donations dépassant 50 millions de francs. Le produit de cet impôt, qui reviendrait pour deux tiers à la Confédération et pour un tiers aux cantons, serait utilisé pour financer la transition écologique et permettre la transformation de l’économie nécessaire à cet objectif.
L’impôt proposé s’appliquerait aux successions et aux donations de plus de 50 millions de francs. Seule la part de ce montant qui dépasse 50 millions serait imposée, à un taux de 50 %.
Exemples :
Une personne hérite de 200 millions de francs. Les 50 premiers millions de francs seraient exonérés de l’impôt, tandis que les 150 millions restants seraient imposés à un taux de 50 %. Le montant de l’impôt s’établirait donc à 75 millions de francs.
Une personne fait don de valeurs patrimoniales pour un montant de 30 millions de francs. Ce don serait sans conséquence fiscale puisque la franchise de 50 millions de francs n’est pas atteinte. Cinq ans plus tard, cette personne décède alors que sa fortune se monte à 170 millions de francs. Au total, la donation et la succession représentent 200 millions de francs, sur lesquels 150 millions seraient imposés à un taux de 50 %. L’impôt dû serait donc de 75 millions de francs.
Il s’agit d’un impôt sur la masse successorale. La succession est imposée globalement, avant toute répartition entre les héritiers. La distribution aux héritiers n’a lieu qu’après déduction de l’impôt. Les impôts cantonaux sur les successions et les donations sont pour leur part conçus comme des impôts sur les parts héréditaires : chaque héritier ou donataire doit acquitter l’impôt dû pour sa part.
Le Conseil fédéral estime que l’initiative porterait gravement atteinte à l’attractivité de la Suisse pour les contribuables les plus fortunés. Ces derniers pourraient être incités à quitter le pays ou à renoncer à s’y établir. L’initiative pourrait donc même entraîner une baisse des recettes pour la Confédération et les cantons, ce qui irait à l’encontre de son objectif financier initial, à savoir augmenter les recettes fiscales (voir la question À quelles conséquences financières faut-il s’attendre si l’initiative est acceptée ?).
En outre, l’initiative ne prévoit aucune exception pour les avoirs liés à l’activité économique, tels que les avoirs d’exploitation ou la fortune liée ou investie dans une entreprise familiale. Cela compliquerait la gestion courante et la planification successorale des entreprises, notamment si la fortune doit être retirée de l’entreprise pour payer l’impôt dû (voir la question En cas de mise en œuvre de l’initiative, dans quelle mesure pourrait-on tenir compte du fait que les valeurs patrimoniales sont parfois liées à des entreprises (familiales) et que les personnes concernées ne sont donc pas libres d’en disposer pour payer l’impôt dû ?).
Le Conseil fédéral considère également que la Confédération et les cantons mènent déjà une politique climatique cohérente. La Suisse s’est engagée à poursuivre l’objectif de réduction des émissions à zéro net d’ici à 2050. La loi sur le climat et l’innovation, la loi sur le CO₂ et la loi sur l’approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables consacrent déjà plus de 2 milliards de francs par an à la lutte contre le changement climatique. L’initiative ne s’avère donc pas nécessaire (voir la question L’idée de l’initiative est de créer une politique climatique sociale et, plus généralement, d’investir davantage dans la politique climatique. Quelle importance revêt la question de la politique climatique pour le Conseil fédéral ? et En quoi la politique climatique actuelle est-elle plus efficace qu’un impôt sur les successions pour faire participer les grandes fortunes à la lutte contre le réchauffement climatique ?).
Enfin, même si la compétence cantonale de percevoir des impôts sur les successions et les donations n’est pas remise en cause, l’initiative réduirait la marge de manœuvre fiscale des cantons. Et comme les recettes seraient entièrement affectées à la politique climatique, elle porterait également atteinte à leur autonomie financière (voir la question Quel serait le rôle des cantons si l’initiative était acceptée ?).
Le texte de l’initiative prévoit que les dispositions d’exécution nécessaires à sa mise en œuvre s’appliquent de manière rétroactive aux successions et donations effectuées après l’acceptation de l’initiative. Lors de l’entrée en vigueur des dispositions d’exécution, les successions et les donations versées par une personne domiciliée en Suisse entre la date de la votation et l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions seraient donc aussi imposées.
Concrètement, si l’initiative populaire est acceptée et que le lendemain, une personne domiciliée en Suisse et possédant une fortune de plus de 50 millions de francs décède, sa succession sera imposée rétroactivement dès que les dispositions d’exécutions entreront en vigueur. Cet effet rétroactif ne s’appliquerait toutefois pas aux mesures de prévention de l’évitement fiscal prévues dans les dispositions transitoires (voir la question Les mesures de prévention de l’évitement fiscal souhaitées par les auteurs de l’initiative s’appliqueront-elles aussi rétroactivement ?).
Non. Les clarifications juridiques auxquelles a procédé le Conseil fédéral ont montré que ces mesures ne pourront pas être appliquées rétroactivement à partir de la date de l’acceptation de l’initiative. Une application rétroactive du nouveau droit irait à l’encontre du principe de la confiance garanti par la Constitution, selon lequel tout effet rétroactif doit être expressément prescrit dans la norme constitutionnelle ou, du moins, en ressortir manifestement. Or, ce n’est pas le cas pour les mesures de prévention de l’évitement fiscal.
Si l’initiative était acceptée, il serait nécessaire d’approfondir la question de la forme concrète que prendront ces mesures. Dans son message, le Conseil fédéral a néanmoins déjà apporté certaines précisions.
Pour des raisons juridiques, il serait exclu de limiter ou d’interdire le déménagement des personnes potentiellement concernées par l’impôt fédéral sur les successions et les donations, par exemple en leur retirant leur passeport ou en contrôlant le flux de leurs capitaux. De telles mesures constitueraient une atteinte disproportionnée à la liberté personnelle et à la liberté d’établissement.
Il en va de même du prélèvement d’un impôt de départ qui viserait à imposer préventivement les personnes potentiellement concernées au moment de leur déménagement à l’étranger. Cette mesure a déjà fait l’objet de discussions publiques. Les analyses juridiques réalisées à ce sujet ont montré que l’introduction d’un tel impôt constituerait aussi une atteinte disproportionnée à la liberté personnelle et à la liberté d’établissement, étant donné qu’une personne peut choisir de quitter la Suisse pour d’autres raisons que d’éviter l’imposition, par exemple pour des motifs professionnels ou familiaux.
La mise en place d’une imposition rétroactive serait une mesure envisageable pour prévenir l’évitement fiscal : pendant une période limitée dans le temps (p. ex. cinq ans), le déménagement à l’étranger ne serait alors pas reconnu aux fins de l’impôt fédéral sur les successions et les donations et la personne concernée serait encore considérée comme domiciliée en Suisse. Par conséquent, si elle fait une donation ou décède durant les cinq ans qui suivent son déménagement, la Suisse prélèverait l’impôt fédéral sur les successions et les donations. Cette forme d’imposition serait toutefois difficile à faire appliquer, notamment en raison des conventions contre les doubles impositions (CDI) signées par la Suisse.
Par ailleurs, les difficultés ne se limitent pas aux conflits éventuels avec les CDI. La Suisse ne pourrait actuellement pas faire valoir directement à l’étranger une créance fiscale sur les successions, car elle n’a conclu avec aucun État les arrangements nécessaires en matière d’assistance au recouvrement.
Le texte de l’initiative exige une « exhaustivité de l’imposition ». Il exclut donc d’emblée toute exception, comme l’exonération des descendants ou du conjoint survivant, les allégements fiscaux pour la fortune liée ou investie dans une entreprise (familiale), etc.
L’initiative prévoit que les cantons seront responsables de la taxation et de la perception de l’impôt fédéral sur les successions et les donations. Ils recevront également un tiers des recettes correspondantes. Comme la Confédération, ils seront tenus d’affecter ces moyens à la lutte contre le changement climatique et d’édicter les dispositions d’exécution en ce sens. L’affectation des recettes réduira nécessairement leur marge de manœuvre fiscale.
La compétence des cantons de percevoir leurs propres impôts sur les successions et les donations leur resterait acquise, même après l’acceptation de l’initiative. À part ceux de Schwyz et d’Obwald, tous les cantons perçoivent un impôt sur les successions, et 23 cantons imposent également les donations. Ils verraient toutefois baisser le montant des successions et donations imposées au niveau cantonal en raison du nouvel impôt fédéral.
L’avis de droit réalisé par le professeur Marius Brülhart sur mandat de l’Administration fédérale des contributions (AFC) conclut qu’avec l’application d’un taux d’imposition de 50 % sur les fortunes supérieures à 50 millions de francs tel qu’exigé par l’initiative, la Suisse pourrait perdre entre 77 et 93 % du substrat fiscal potentiel (avis de droit disponible sous : www.estv.admin.ch > L’AFC > Politique fiscale > Études, rapports et documents de travail en matière de politique fiscale). En se basant sur des données relevées auprès des cantons lors d’une enquête ad hoc, l’AFC arrive à un résultat plus élevé, allant de 85 à 98 %. Sur les 4 milliards de francs de recettes fiscales estimées pour le nouvel impôt sur les successions et les donations, il ne resterait donc qu’environ 100 à 650 millions, une fois pris en compte les départs de contribuables consécutifs à la réforme.
Par ailleurs, un exode accru des contribuables fortunés entraînerait des pertes fiscales, notamment au niveau des impôts sur le revenu et sur la fortune. Le produit de ces impôts provient actuellement pour environ 40 % du pour cent des contribuables dont les revenus et la fortune sont les plus élevés. La mise en œuvre de l’initiative aurait aussi un effet négatif sur l’installation en Suisse de personnes très fortunées, qui ne choisiront probablement plus de s’y établir. En fin de compte, l’acceptation de l’initiative pourrait donc se traduire par un recul des recettes enregistrées par les pouvoirs publics.
Concrètement, les recettes du nouvel impôt fédéral sur les successions et les donations, estimées entre 100 et 650 millions de francs, pourraient être contrebalancées par des pertes allant de 2,8 à 3,7 milliards de francs pour les impôts sur le revenu et sur la fortune aux niveaux fédéral, cantonal et communal. Dans un scénario plus modéré, où seuls les contribuables âgés de plus de 65 ans s’expatrieraient, l’État enregistrerait, du fait du nouvel impôt, des recettes supplémentaires oscillant entre 500 millions et 1,1 milliard de francs, mais serait privé d’un montant égal à 1,3, voire à 1,7 milliard de francs au titre des impôts existants.
Estimations et données disponibles
L’AFC s’appuie sur les trois sources suivantes pour estimer les conséquences financières de l’initiative populaire :
les données tirées de la statistique de la fortune imposée pour l’ensemble de la Suisse pour l’année 2021 ;
une enquête ad hoc menée auprès des cantons pour collecter des données individuelles au sujet des contribuables dont la fortune nette excède 50 millions de francs ; et
un avis de droit du professeur Marius Brülhart, de l’Université de Lausanne, sur le volume et la répartition du substrat fiscal concerné ainsi que sur les adaptations du comportement des contribuables visés.
Les estimations sont basées sur des méthodologies rigoureuses et des analyses solides. Pour autant, comme toutes les estimations, elles sont entachées d’incertitudes.
En Suisse, on estime à 2500 le nombre de contribuables possédant une fortune de plus de 50 millions de francs. À cela vient s’ajouter un nombre inconnu de contribuables imposés d’après la dépense qui pourraient également être concernés par l’initiative.
L’AFC est certes en possession des données mentionnées dans la réponse à la question 11, mais elle ne dispose pas de la base empirique qui lui permettrait d’évaluer les effets des modifications fiscales sur le comportement des personnes fortunées. Elle a donc commandé un avis externe auprès du professeur Marius Brülhart concernant les réactions comportementales, et notamment la probabilité de départ à l’étranger des personnes fortunées.
Cet avis apporte une expertise scientifique qui permet de formuler, sur la base de données empiriques recueillies à l’échelle internationale, des hypothèses plausibles concernant la mobilité des personnes visées. Il assure ainsi une base solide d’économie comportementale qui vient enrichir les données internes.
Dans son avis, le professeur Brülhart n’a pas seulement passé en revue la littérature scientifique, il a également procédé à ses propres estimations. Ces dernières se basent sur des données individuelles provenant de deux cantons suisses. Grâce à une collecte de données ad hoc, l’AFC dispose, quant à elle, de données individuelles plus détaillées provenant de 24 cantons et distinguant de nombreuses variables de fond. Elle a ainsi pu établir des estimations plus précises.
Pour mieux situer l’impôt proposé dans un contexte international, des données provenant d’autres pays ont été examinées. Un rapport de 2021 établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a notamment révélé de grandes différences dans la forme que peuvent revêtir les impôts dans ce domaine. Alors que certains pays (p. ex. les États-Unis et le Royaume-Uni) prélèvent un impôt sur les successions, la plupart misent, comme les cantons suisses, sur un impôt sur les parts héréditaires. De nombreux États accordent aux parents proches des franchises plus élevées ainsi que des taux plus bas. Certains (Autriche, Norvège et Suède, notamment) ont même totalement supprimé ce type d’impôts. Dans les pays appliquant un impôt sur les successions, les taux sont généralement progressifs et peuvent atteindre 80 % pour les héritiers sans lien de parenté (Belgique). L’importance fiscale d’un tel impôt est généralement faible. En Suisse, il représentait 0,6 % du total des recettes fiscales en 2019, un chiffre légèrement plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE et similaire à celui enregistré en Espagne, au Danemark, en Allemagne ou encore aux Pays-Bas. En outre, la Suisse est l’un des rares pays de l’OCDE à compter un impôt sur la fortune en plus de ses impôts cantonaux sur les successions.
À l’heure actuelle, 24 cantons connaissent un impôt sur les successions et 23 d’entre eux, un impôt sur les donations. En 2022, les recettes provenant des impôts sur les successions et les donations s’élevaient au total à 1399 millions de francs (1292 millions pour les cantons et 107 millions pour les communes). Ces montants correspondent respectivement à 1,8 % et 0,9 % des recettes fiscales totales des cantons et des communes (86 977 millions de francs) et des collectivités publiques (Confédération, cantons et communes : 162 932 millions de francs) pour 2022.
L’imposition d’après la dépense (ou « forfaits fiscaux ») est prévue aussi bien pour l’impôt fédéral direct que dans les lois fiscales de 21 cantons (le cadre correspondant étant fixé par la Confédération dans la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes). Pour déterminer la base de calcul, on s’appuie sur les frais annuels liés au train de vie du contribuable, en tenant aussi compte de certaines valeurs minimales.
En raison de la procédure de taxation simplifiée, les cantons ne disposent pas d’une image complète de la situation en matière de revenus et de fortune des personnes imposées d’après la dépense. C’est pourquoi l’AFC, qui s’est appuyée notamment sur une collecte de données ad hoc auprès des cantons pour évaluer les conséquences financières de l’initiative, n’a pas pu intégrer ces contribuables dans ses estimations. Le Conseil fédéral a expressément souligné ce fait dans son message. Le professeur Brülhart a aussi précisé qu’il n’a pas non plus pu tenir compte de ce groupe dans ses estimations.
Même si l’on tenait compte des personnes imposées d’après la dépense, il serait probable que les recettes nettes diminueraient. Certes, le potentiel de recettes théorique de l’impôt avant adaptation du comportement s’accroît si l’on considère aussi les personnes imposées d’après la dépense, mais il faut partir du principe que ces contribuables se caractérisent par une sensibilité à l’impôt particulièrement élevée. Ce sont principalement les conditions fiscales avantageuses qui ont conduit ces personnes très mobiles à quitter l’étranger pour s’installer en Suisse. Par conséquent, il est peu plausible que les personnes imposées d’après la dépense qui seraient concernées par l’impôt fédéral sur les successions et les donations restent en Suisse en cas de mise en œuvre de l’initiative. Le potentiel de recettes supplémentaires ne doit donc pas être surestimé.
Aspects liés à la politique climatique
Le Conseil fédéral considère qu’il est important de mener une politique climatique volontaire. La Confédération et les cantons mènent déjà une politique climatique et énergétique volontaire et reposant sur le principe du pollueur-payeur, qui a été concrétisée dans plusieurs mesures fixées dans la loi et dont le financement est garanti. La loi sur le climat et l’innovation, la loi révisée sur le CO2 ainsi que la loi révisée sur l’énergie contiennent une série de mesures d’encouragement et d’incitations ciblées qui contribuent à la réalisation de l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050. Actuellement, la Confédération et les cantons affectent plus de 2 milliards de francs par an à des mesures en faveur du climat et de l’énergie. Une exigence fondamentale de l’initiative, selon laquelle la Suisse devrait agir pour lutter contre la crise climatique, est donc d’ores et déjà satisfaite.
Aujourd’hui déjà, les personnes à hauts revenus et les personnes fortunées contribuent plus que la moyenne au financement des mesures de protection du climat. En effet, près de la moitié des fonds destinés à financer les mesures de la loi sur le CO2 et de la loi sur le climat et l’innovation proviennent du budget général de la Confédération. Or, les 5 % de contribuables appartenant à la fourchette la plus haute versent environ deux tiers des recettes de l’impôt fédéral direct, tandis qu’un quart des contribuables, ceux qui réalisent les revenus les plus bas, ne paient rien.
La politique climatique actuelle repose sur des incitations et des mesures d’encouragement ciblées et oblige notamment les grands émetteurs, tels que l’industrie, à prendre leurs responsabilités.
Un financement (supplémentaire) par l’impôt sur les successions n’inciterait pas les personnes fortunées à réduire davantage leurs émissions, car elles devraient s’acquitter de l’impôt indépendamment de ces dernières.
L’efficacité de la politique climatique ne dépend pas uniquement des moyens mis à disposition, mais surtout de l’utilisation d’instruments ciblés. Adopter une politique d’encouragement reposant sur des subventions considérables risquerait de créer d’importants effets d’aubaine, et ainsi de conduire à une allocation inefficace des moyens financiers ou encore de décourager les investissements privés.
Le Conseil fédéral adopte le message sur l’initiative populaire « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement (initiative pour l’avenir) »
Lors de sa séance du 13 décembre 2024, le Conseil fédéral a adopté le message sur l’initiative populaire « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement (initiative pour l’avenir) ». Il rejette l’initiative de la Jeunesse socialiste (JS) sans contre-projet direct ou indirect. Selon les estimations, l’initiative pourrait entraîner une diminution des recettes fiscales pour la Confédération et, en particulier, pour les cantons et les communes. En outre, elle créerait de mauvaises incitations en matière de protection du climat.